[00:00:00] Pour le deuxième élément important dans les repos actifs, je vous ramène aux "mind maps". Si vous voyez la deuxième ligne, c'est écrit "permettre l'expérimentation et le ressenti". Qu'est-ce que c'est exactement? C'est ce dont je vous parlais précédemment. On veut reposer le cortex préfrontal, puis en même temps, on veut stimuler d'autres zones du cerveau de manière à faire ressentir des émotions, à faire ressentir des sensations aux étudiants, les ramener dans leur corps tout simplement.

Quand on parle de ressentir quelque chose, quand je touche, que je manipule, je ressens quelque chose. Quand j'inspire profondément, que je bouge, que je cours, évidemment le ressenti est complètement différent. Mais il s'agit quand même d'une pause. Je ne ressens pas la même chose que quand j'étais assise de façon statique, à [00:01:00] écouter.

Des fois, ressentir veut tout simplement dire que quand je suis assise, à un moment donné, je ne m'en rends plus compte. Je suis certaine que vous n'avez aucun ressenti par rapport au fait que vos bas sont plus ou moins rugueux ou doux sur vos pieds. Tout simplement parce que c'est là et que vous ne vous en occupez pas. Vous ne portez pas attention à ces détails. Alors quand l'on parle de ressenti, ça peut simplement être de faire bouger le corps de manière à ce qu'on ressente justement ce corps-là.

Comment fait-on cela? On fait juste dire à tout le monde : "OK, tout le monde debout sur la pointe des pieds pour les vingt prochaines secondes pendant que je parle". Vous pouvez l'essayer si vous voulez, toujours sympathique. Alors tout simplement, en étant debout sur la pointe des pieds, mon ressenti physique n'est plus le même.

Donc ma qualité d'attention, c'est comme si je la modulais autrement. Cela va réactiver cette attention-là de manière à la maintenir, ce qui fait que ça peut être [00:02:00] sur la pointe des pieds, ça peut être assis, à genoux, en petit bonhomme sur leur chaise, peu importe. Juste le fait de changer de posture, déjà en soi, me fait ressentir quelque chose physiquement.

J'aime aussi beaucoup travailler avec les odeurs. Des fois, dans mon repos actif, je vais faire une technique de respiration, mais je vais faire sentir une huile essentielle, par exemple. Tout simplement parce qu'en stimulant le sens olfactif, je suis en train de prendre un repos actif. Je suis en train de faire travailler d'autres zones du cerveau, et peut-être faire remonter des souvenirs anciens associés à ces odeurs-là. Dans le fond, c'est cela qui permet de faire un repos, tout simplement.

Aussi, en plus de ressentir, c'est important d'expérimenter, de tâter, d'essayer des choses. Alors il y a des thèmes qui se prêtent très bien à l'expérimentation, et puis c'est sûr que si j'ai à enseigner quelque chose sur la photosynthèse, puis que je veux leur faire expérimenter, c'est une expérimentation, c'est un laboratoire, on n'est plus dans le repos actif.

Quand on parle d'un repos actif pour [00:03:00] expérimenter, c'est que l'on reste dans la matière, mais qu'on l'envisage d'une façon différente, pendant une minute peut-être. Alors on fait souvent cela quand, par exemple, au niveau de la terminologie, il y a des difficultés importantes.

Par exemple, avec les jeunes, je faisais les verbes d'action et les verbes d'état. Les verbes d'état, je leur ai répété plusieurs fois la liste : être, paraître sembler, devenir, demeurer, rester . Il y en a d'autres, mais ceux-ci sont les principaux. Ils savaient qu'il y en avais d'autres, ils savaient qu'il s'agissait des principaux, mais tout, cela ne rentrait pas. Cela faisait deux ou trois jours que l'on revenait là-dessus. Je voyais qu'ils ne les repéraient toujours pas dans le texte, qu'ils ne les retenaient pas. J'ai donc décidé d'utiliser un repos actif, imbriqué en même temps dans le fait de faire ressentir quelque chose aux jeunes, de leur faire expérimenter ces mots-là. Alors ce que je leur ai dit dans un premier temps, c'est simplement des : "Récitez avec moi, tout le monde en même temps, en marchant, en faisant bouger les jambes".

Tout le [00:04:00] monde était debout et bougeait les jambes : "être, paraître, sembler, devenir, demeurer, rester" et on l'a répété trois, quatre fois en rigolant tous ensemble. Après, je leur ai dit : "OK, on va le refaire, mais vous allez essayer de mimer chacun de ces verbes-là. Et après cela, je pense qu'on l'a fait trois, quatre fois, très rapidement, en les répétant en boucle. Combien de temps cela a-t-il pris? Une minute et demie! Étrangement, ils les ont tous retenus parce qu'ils ont ressenti quelque chose, parce qu'ils ont comme "expérimenté" le mot. On n'est pas dans une expérimentation de laboratoire, mais ils ont mimé, ils ont personnalisé, ils ont interprété, ils ont fait une mini impro de trois secondes sur chacun des mots. Et cela est suffisant pour expérimenter.

Une autre façon d'expérimenter, par exemple, est d'utiliser de la pâte à modeler. C'est rapide, c'est assez discret. Je leur dis : "Prenez la pâte à modeler. Je vais maintenant vous expliquer l'ordre d'apparition sur la planète des hommes préhistoriques. Ce que je vous demanderai, c'est qu'au début, quand [00:05:00] je vous parlerai de chacun de ces hommes préhistoriques là, je vous dirai un élément clé de quelque chose qu'il a fait. Pendant que je vous explique, vous allez me sculpter cet élément". En parlant de l'Homo habilis, je leur ai montré une photo de biface, puis je leur ai dit : "Pendant que je vous explique ce qu'il a fait, je veux que vous sculptiez un biface dans votre pâte à modeler. Pas pendant deux heures bien sûr, j'ai peut-être passé une minute et demie, deux minutes sur l'homo habilis, autrement, cela ne donne pas grand-chose de faire plus. On se souvient du début et de la fin.

Après ça, je suis passée à l'Homo Erectus. Pour l'Homo Erectus, je leur ai dit : "je vais vous décrire de long en large ce qu'il faisait, ses caractéristiques. Ce qui est important, c'est que c'est lui qui a apprivoisé le feu, faites-moi une flamme avec votre pâte à modeler." S'il n'y a pas de pâte à modeler, je peux leur dire de dessiner.

C'est une façon de faire expérimenter ma matière en faisant ma matière, mais c'est comme si ma matière et le repos actif se superposent d'une certaine manière.

Quelle est donc la différence entre de l'expérimentation et [00:06:00] un repos actif?

Pendant un repos actif, on ne parle tout simplement pas. Je peux leur dire : "je vous parle d'Homo Erectus. Sculptez, vous avez trente secondes pour sculpter un élément caractéristique de cet homme préhistorique là." Ça peut être trente secondes, comme je peux donner deux fois ce délai. Ils modèlent trente secondes du feu, trente secondes, par exemple, un outil de chasse. Et voilà, mon repos actif est terminé.

Je ne suis pas sortie du cadre de la matière. Ils ont juste expérimenté, ils ont travaillé avec la matière de façon différente, mais ils ont reposé leur cortex préfrontal. C'est pour cela que c'est un repos actif. Quand on les fait rasseoir ou qu'on les fait revenir dans la position initiale, on peut recommencer la matière. C'est comme si on venait simplement de tourner une page.

Les bons auteurs ou les bons bédéistes, en lisant leur bande dessinée, intègre toujours dans le dernier petit carré en bas de la deuxième planche de la page de droite, quelque chose qui pique notre curiosité avant de passer à la suite.

On peut même utiliser le "repos actif expérimenté" [00:07:00] pour justement venir faire le lien avec la suite de la matière. Le tout : changer de rythme, changer de posture, faire expérimenter, bouger, tripoter. Une autre façon de fonctionner qui marche incroyablement bien.

Alors pour revenir à cet élément-là, toute forme de manipulation représente une expérimentation dans la mesure où l'on va dans la direction de la matière que l'on présente, et que l'on fait ressentir des émotions même si elles ne sont pas directement reliées à la matière. Le simple fait de ressentir quelque chose va augmenter le degré de concentration, et donc bien constituer un repos actif.